mardi 8 mai 2012

Transsibérien - 2/3

Le train s'arrête et l'immobilité me réveille. Lumière à l'extérieur. Je m'habille, descends de ma couchette et jette un coup d'oeil à la grille d'horaire affichée dans le couloir. Nous sommes à Tumen, il est donc 3h du matin à l'heure de Moscou. Ici le jour se lève.

D'ouest en est, le transsibérien cours après le soleil. La vitesse du rail s'ajoute à la rotation de la terre et on traverse les fuseaux horaires en accéléré. Chaque soir la nuit vient un peu plus tot, chaque matin, le soleil se lève un peu plus tot.
Toutes les horloges sont fixées sur Moscou. Celle du train comme celle des gares. A bord, les uns et les autres gèrent différemment le temps qui passe, et au fil des jours, nous nous installons dans des temporalités différentes. Pour ma part, je me laisse porter par le soleil. Je me lève quand il fait jour, et j'essaie de me coucher au début de la nuit. Certains continuent de suivre leur montre et vivent à l'heure du Kremlin. D'autres se laissent aller à l'énergie du moment. C'est ainsi qu'en me levant je suis tombé sur Paul et Brom, passablement emméchés - pour ne pas dire complêtement saouls -, qui prolongaient joyeusement leur soirée. Ils m'ont offert un gobelet de scotch pour commencer ma journée.


"Do you think we should wake up Fabien?" Non, ça va, Je me suis réveillé. D'un coup. Je m'étais écrasé sur ma couchette. Juste sous le néon de la cabine, la tête dans le ronron du ventilateur. Je m'étais endormi à la mongole, dans les discussion et les rires de mes camarades. Dans le transsibérien comme dans les yourtes, la vie a la priorité. Ceux qui veulent dormir s'adaptent. Mon adaptation était parfaite.

J'étais parti loin, dans un rêve en français. Et mon réveil est aussi brutal que mon retour à l'international. Pas encore bien là, je m'entends demander ce qui se passe. En anglais. On me répond qu'on s'est arrêtés pour une demi-heure. Encore endormi, je m'habille et suis le mouvement vers l'extérieur.
Nuit noire. Il fait doux, 17 degrés. Sur l'imposant batiment soviétique de la gare, une énorme horloge digitale hurle l'heure en batons rouges lumineux. 19h26, branchée sur Moscou. A l'heure solaire, il doit plutot être minuit et demi. Je remonte doucement le train en échangeant quelques mots de mongol avec Bold.
Bruit de moteur. Un vieux camion russe chargé de charbon s'arrête devant la porte d'un wagon. Interjections russe et chinoise. Raclement de la pelle. Pluie dans le seau métallique. Le seau passe de main en main et disparait dans le train. Anglais. International. Un américain, un suédois, et un hollandais en discussion. Depuis quand sommes nous en Sibérie, on devrait voir le Baikal demain matin, le wagon restaurant est vraiment mauvais. A l'avant, l'énorme locomotive rouge qui nous tirait depuis Moscou quitte le train. Grondement. Une bleue sort de l'obscurité. Aussi grosse que la rouge. Le conducteur allume son phare et éclabousse le quai d'une lumière jaune et violente. Hurlements de freins. Sifflements. Avec la lenteur de sa puissance, elle vient s'accrocher au premier wagon. Accouplement de géants métalliques.

Au bout du quai, un chinois en uniforme gesticule. On va bientot partir. Je redescends le quai. Intonations chinoises. Controlleurs en pleine discussion. Dans le wagon, deux passagers préparent leur diner en poudre avec l'eau fumante du samovar. Hollandais. Dans la cabine, mes colocs discutent. Polonais. Je grimpe sur ma couchette et dans mes rêves. Français.

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